Un petit tour d’horizon sur « Les juments dites bréhaignes » :
- Je profite de ma rencontre avec QLEMATIS, une belle trotteuse de 15 ans, pour aborder ce sujet et répondre à quelques questions, que voici :
Si les juments possèdent habituellement 36 dents, la belle Qlématis en compte une de plus au grand étonnement de son propriétaire… Une minuscule canine qui fait d’elle « une jument dite bréhaigne » ! Certaines de ses compatriotes en compteront même deux… C’est un peu « au p’tit bonheur la chance ». Personnellement, je n’ai jamais rencontré de jument avec plus de deux canines, celles-ci étant localisées sur la mâchoire inférieure).
Petit rappel :Chez les équidés, les mâles possèdent classiquement 40 dents dont 4 canines tandis que la majorité des juments en ont 36, la différence se situant justement au niveau de ces canines. Mais il arrive qu’elles en aient… (La prévalence serait de 28% chez les chevaux et 30% chez les ânes – Source « Equin Dentistry by DIXON & SCHUMACHER-)
Beaucoup de rumeurs et de « on dit que » circulent autour de la présence de ces canines chez les juments, (parfois communément appelées « crochets »). Déjà en 1828, « N. F. GIRARD dans son traité de l’âge du cheval mettait en garde les lecteurs de ne pas considérer les juments munies de crochets comme stériles. » C’est dire si l’ineptie traverse le temps, car aujourd’hui encore la rumeur va bon train !
Tout d’abord, le terme « Bréhaigne », dans l’ancien français breton, signifie « stérile » et non pas « qui a des canines ». C’est évidemment cet amalgame qui fait porter l’idée reçue que les femelles qui possèdent des canines sont stériles. Mais aucune étude sérieuse, à ma connaissance, n’a crédité le fait que la présence de ces dents était le reflet d’une stérilité…Et je peux vous assurer que ma jolie PEPITE qui en a une, a déjà fait trois beaux bébés sans aucune difficulté !
Les canines étant un attribut masculin, en creusant un peu, on peut imaginer qu’une « déduction rapide », qu’un raccourci (rapide aussi) a puisé son fondements dans : « présence d’attribut masculin = déséquilibre hormonal = problème de fertilité ». Ça se tient…. Mais si influence il y a, rien aujourd’hui ne vient appuyer cette thèse…
Une autre légende dit que les jument dites bréhaignes sont plus « pénibles/ dominantes » que les autres…. Alors là… Je reste prudente, trouvant cela peu objectif… ça reste pour moi, un autre raccourci qui fait peu état de la singularité de l’animal, et de son caractère tout simplement…
Maintenant que j’ai fait la vie dure au « on dit que », centrons nous sur l’aspect biologique, en espérant éviter l’écueil soporifique.
Quel est le rôle des canines ? : Il s’agit de dents à la « fonction masculine » puisqu’elles « servent aux mâles à attaquer ses concurrents et lors de l’accouplement à fixer sa mâchoire sur l’encolure de la femelle. Les blessures dues aux canines se retrouvent généralement au tiers inférieur de l’encolure ». Quant aux rudiments présents chez quelques femelles, et bien…. ce sont les aléas et les surprises de la nature j’imagine…
Quand ces petites dents apparaissent elles ? Généralement, elles apparaissent entre 4,5 ans et 6 ans. « Elles sont bien développées chez les mâles et très souvent absentes chez les femelles, ou alors bien hypotrophiées ».
C’est leur forme conique et recourbée qui leur vaut l’appellation de « crochet ».
C’est leur forme conique et recourbée qui leur vaut l’appellation de « crochet ».
Pourquoi et comment ? « A. GOUBAUX et G. BARRIER dans « L’extérieur du cheval », (tout comme GIRARD avant eux), rapportent dès 1890 que si l’on examine des têtes de poulains des deux sexes, on observe la présence de très petites dents comparables à des aiguilles ». ils évoquent bien entendu ces canines. Leur ouvrage est une mine d’or et l’on y apprend que « Les crochets présentent entre eux peu de différences; ceux de la mâchoire inférieure sont cependant un peu plus longs. Les juments en sont dépourvues ou du moins elles n’en n’ont que des rudiments. Il arrive très rarement qu’ils acquièrent un certain volume, encore n’est-il pas possible de s’y méprendre.
Les auteurs décrivent que la canine inférieure a une position plus rostrale que la canine supérieure et il n’y a donc pas de contact occlusal entre elles. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles les canines (inférieures) développent le tartre (Cf Article Avis du dentiste équin sur le tartre). La faible usure observée du côté opposé résulte en fait du passage des aliments, et des mouvements incessants des lèvres et de la langue du cheval.
On parle parfois de « la canine de lait » : Il s’agirait d’une canine de petite taille qui tomberait lors de la pousse de la dent définitive. Dans le cas des juments bréhaignes, une hypothèse suppose que les canines semblables à des aiguillons serraient lactéales et auraient persistées. Toutefois, pour confirmer cette hypothèse, il conviendrait de réaliser un examen histologique de cette dent après extraction.
Ah oui, j’oubliais ! Si l’on s’en réfère aux travaux de DIXON & SHUMACHER- Equin Dentistry- « la castration n’exerce aucun effet sur le volume et la force des crochets, et sur l’époque de leur éruption, époque qui, sans cause connue est extrêmement variable. »
Alors, me direz-vous, que fait-on avec ces petites canines ? Et bien… Chez les mâles on vérifie et on détartre, puis chez les femelles, et bien…. On ne fait rien !!!! Déjà, (si on l’a pensé), on oublie le fait qu’elles puissent être synonyme de stérilité. Ensuite, comme elles ne gênent pas et ne sont pas douloureuses, il est inutile de les extraire ou de s’inquiéter de leur présence. De plus, en raison de la grande longueur et de la taille et de la forme de la couronne et des racines, l’extraction de ces dents serait une entreprise majeure avec des risques importants.
Voilà pour la petite histoire des juments bréhaignes.
(MERCI au Docteur P. CHUIT pour ses supports, la richesse de sa bibliothèque, …).
(MERCI à Artur pour sa patience et les poses !)
(MERCI à Artur pour sa patience et les poses !)
Bonne journée !
Kiliane
Kiliane